J'ai lu dans "Aborigènes de Taiwan" que Wulai 烏來 (parfois écrit Ulay) était une région importante dans la culture Atayal (en chinois, Taiya zu 泰雅族). La tribu Atayal est très célèbre pour ses techniques de tissage. De plus, j'ai relevé des adresses d'ateliers de tissage, trouvées dans un guide élaboré par la communauté atayal de Wulai. J'ai alors cru bon d'y faire un tour, dans l'espoir de trouver de beaux tissus.
Wulai se trouve dans les montagnes au sud de Taipei. Il est facile d'y accéder. Le bus 1601 relie la station de métro Xindian (新店 ligne verte) de Taipei au village. La route est cahoteuse, mais peu importe, le chauffeur fonce ; il est habitué...
Nous descendons au terminus. C'est un paysage plutôt gris et sans vie qui nous accueille. J'ai un mauvais pressentiment. Bref, nous marchons en direction de la rue principale, à la recherche d'un hôtel pour poser notre valise. Le village s'est transformé en station thermale pour les gens de Taipei. En fait, le nom de l'endroit vient de l'atayal kirofu ulai, ce qui peut se traduire par "chaud et empoisonné" (Gloups !) ; cela, vous vous en doutez peut-être, désigne l'eau chaude et non-potable qui circule sous le sol.
La rue principale est donc remplie d'hôtels, de restaurants et de boutiques, qui vendent le plus souvent de quoi manger (genre bonbons, œufs, thé) et parfois de "l'artisanat aborigène". Je commence à réellement penser que je ne trouverai pas ce que je recherche ici. Le lieu touristique par excellence. Et pas de trace des aborigènes de la région ; en fait, ils se tiennent à l'écart de tout ça, un peu plus dans les hauteurs. C'est ce que j'ai cru comprendre en observant tout ce petit monde. Je discute avec une jeune vendeuse de la seule boutique d'artisanat ouverte : elle vient de Hualien et me dit que la patronne reviendra le soir. Nous continuons donc notre petit tour avant de prendre un bain chaud à l'hôtel. Aujourd'hui, à Wulai, il y a du crachin et il fait froid, alors ça fait du bien. Le soir, nous achetons une brochette et une saucisse aux herbes (une épice traditionelle des aborigènes, le magao 馬告) à une jeune femme (Vietnamienne !!!!) et nous retournons à la boutique d'artisanat. Personne. Soupir...
Programme du lendemain : la cascade de Wulai (wulai pubu 烏來瀑布) et d'éventuels ateliers de tissage.
Le petit-déjeuner englouti, nous marchons en direction de la cascade. Le temps est le même que la veille, pluvieux et froid, alors nous sommes seuls. Nous écoutons le silence et regardons tout ce vert qui nous entoure.
Enfin, nous arrivons à la belle cascade, l'un des points touristiques de Wulai. C'est beau toute cette eau, c'est beau cette force à la fois tranquille et violente.
Un peu plus loin, il y a une boutique d'artisanat atayal. J'entre et je jette un coup d'œil. Cela semble un peu mieux que les précédentes, mais encore, pas assez authentique. Des femmes sont assises là , enveloppées dans des couvertures, pour tisser lentement et sans le sourire, sans le plaisir, des rubans colorés. Je discute avec la vieille dame qui tient le magasin. Elle me présente certains produits, et avoue elle-même que la plupart ne sont pas traditionnels, et qu'ils répondent simplement aux goûts des conso-touristes Han. Elle est vite rejointe par d'autres femmes, qui ont une attitude beaucoup plus commerciale ; nous leur disons que nous repasserons dans quelques instants. Les autres boutiques ne sont pas à la hauteur de celle-ci, et je me dis que je devrais emporter un échantillon de ce voyage, si décevant qu'il soit. A titre comparatif, et aussi pour remercier la vieille dame de son accueil, j'achète 15cm de ruban en coton de 5,5cm de largeur :
La photo n'est pas de grande qualité car je l'ai prise avec mon téléphone portable, mais elle fera l'affaire pour l'instant.
J'ai choisi ce modèle car le motif principal est rouge et blanc, les couleurs traditionnelles des vêtements atayal anciens. Le motif est, selon ces dames, celui de "l'œil des ancêtres," un emboîtement de losanges aux couleurs alternées. Cela donne un joli effet d'optique. Les bords du ruban sont en marron et jaune. Au toucher, le ruban est doux, et il garde les formes qu'on lui impose, tel un fil de fer. Je dirais qu'il est facilement modelable, et qu'une fois aplati, il ne garde pas trace des plis (hum, je manque un peu de vocabulaire dans ce domaine, j'espère que vous comprenez).
En ce qui concerne le prix, j'estime que c'est bien cher pour ce que c'est. Je ne suis pas encore spécialiste, mais 200NTD ~ 5€ pour 15cm de ruban, ça me paraît un peu exagéré. Souvent le prix qu'on accepte de payer pour un objet dépend de la valeur qu'on lui accorde ; et cette valeur dépend en partie de la perception et de la connaissance qu'on a de cet objet. Alors si j'avais un conseil à donner aux aborigènes qui gèrent ces boutiques de souvenirs "ethniques", je leur dirais : "Aimez ce qui fait votre culture et aimez ce que vous faites. Accordez plus de valeur à ce que vous fabriquez, traitez votre production comme une œuvre d'art. Montrez à vos visiteurs combien ces choses sont belles et riches et combien vous les aimez. En un mot : Partagez !"
Ensuite, nous avons continué la promenade sous le crachin, nous sommes passés devant des cerisiers dont les fleurs s'ouvrent à peine. Nous avons guetté d'autres ateliers à chaque tournant, en vain. Notre séjour s'est arrêté là, et j'étais un peu triste de savoir que Wulai, à présent, c'est juste un bon endroit pour prendre un bain, manger une saucisse au magao accompagnée de plats chinois, faire des photos de la cascade et des cerisiers en fleurs et s'en retourner en ville, sans avoir rencontré personne...